vendredi 21 août 2015

Carte muette

Le Devoir, 21 août 2015



Les dépanneurs commenceront « très bientôt » à demander systématiquement une carte d’identité aux acheteurs de produits du tabac, d’alcool ou de loterie, quel que soit leur âge.
[…]
« Le “cartage” subjectif a atteint ses limites, a-t-il soutenu devant la commission parlementaire en matinée. […] La répression accrue ne donnera rien. Il faut qu’on prenne le taureau par les cornes et qu’on règle le problème. »

M. Gadbois demande donc que le « cartage obligatoire », l’identification obligatoire des clients, soit ajouté au projet de loi, sinon les dépanneurs sont prêts à l’imposer eux-mêmes très bientôt.

Le Devoir, 21 août 2015


Le verbe carter et le substantif cartage ne font pas partie de la nomenclature du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française. La Banque de dépannage linguistique (BDL) du même Office a toutefois une fiche « se faire carter » où on lit :

Qu’elle se soit répandue dans l'usage sous l'influence de l'anglais to card (somebody), « exiger de voir les cartes d'identité de quelqu’un », ou simplement en raison de sa concision, cette expression appartient à la langue orale et familière. On pourra notamment la remplacer par des expressions comme : se faire demander ses cartes (d'identité) ou exiger de voir la carte (d'identité) de quelqu'un.


Il est curieux de voir non seulement que l’on propose de corriger la langue orale ou familière mais qu’en plus on suggère de remplacer un mot tout simple par une longue circonlocution. Et dans la fiche de la BDL, on ne lit nulle part les expressions courantes en français vérifier l’identité, vérification d’identité qu’on attendrait dans ce contexte.


Le Wiktionnaire, plus à jour que le GDT, définit ainsi le verbe carter :

(Néologisme) (Populaire) S’assurer de l’âge légal d’une personne, par exemple pour un commerce de cigarettes ou d’alcool, ou encore un dancing en contrôlant la carte d’identité de cet individu.


La mention dancing dans la définition nous permet de croire que le verbe carter s’utilise ailleurs qu’au Québec.


En lisant l’historique de la fiche carter du Wiktionnaire, j’ai découvert que la définition a été ajoutée le 2 septembre 2007, il y a déjà huit ans, sous la forme : « s’assurer de l’âge légal d’une personne (par exemple pour un commerce de cigarettes ou d’alcool, ou encore une boîte de nuit) en contrôlant la carte d’identité de cet individu ».


Qu’il est dur pour l'Office d’orienter l’usage quand il ne parvient même pas à le suivre, encore moins à l’enregistrer !


vendredi 7 août 2015

Le québécois standard illustré par l’exemple / 14

Écrire en anglais avec des mots français


Selon lui, la question n’en est pas une de moyens — le PLC se plaçant second au chapitre des ressources financières à sa disposition, même s’il s’est fait doubler par le NPD pour la première fois de son histoire quant aux fonds amassés au cours du dernier trimestre —, mais plutôt de stratégie.
– Philippe Orfali, « Pas d’autobus pour les libéraux », Le Devoir, 6 août 2015


En français standard, on écrirait tout simplement : il ne s’agit pas d’une question de moyens mais plutôt de stratégie ; ou encore : la question n’est pas celle des moyens mais plutôt celle de la stratégie.


Sur ce calque syntaxique de l’anglais, dont l’auteur a trouvé quelques exemples en France, voici un extrait de L’Actualité langagière (volume 6, numéro 1, 2009, page 13) :

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Irène de Buisseret n’aimait pas la tournure « en est un de », cet imposteur dans la maison, comme elle l’appelle. Ne mâchant pas ses mots, elle l’accuse d’être « un Américain mâtiné de Britannique qui a mis un masque à la française pour cacher sa physionomie anglo-saxonne »… J’ai longtemps cru qu’elle avait été la première à attacher le grelot à cet anglicisme, mais trois ans auparavant un terminologue proposait une traduction de « one of » qui indique assez clairement qu’il avait lui aussi démasqué l’imposteur : « L’atmosphère du yoga est de calme et de paix ».
Deux ans après Irène de Buisseret, un lexique de l’Assemblée nationale du Québec parle de barbarisme. Cinq ans plus tard, la grammairienne de l’Université de Montréal, Madeleine Sauvé, lui consacre un article assez exhaustif. Quant à notre bible des anglicismes, ce n’est qu’avec la troisième édition (1994) que les auteurs du Colpron s’aviseront de condamner ce tour. Lionel Meney le relève lui aussi, et en donne six exemples. Deux sites le dénoncent comme calque, les « Clefs du français pratique » de TERMIUM® et le « Français au micro » de Radio-Canada (dont l’auteur est Guy Bertrand).
[…]
La tournure est tellement fréquente (au-delà de 100 000 occurrences sur Internet), qu’on ne s’étonne pas de la rencontrer chez à peu près tous nos journalistes (Le Droit, Le Devoir, La Presse ou L’Actualité). Mais on la voit aussi sous la plume de gens soucieux de bien écrire, comme Guy Frégault, historien et membre fondateur de l’Académie canadienne-française : « Le quartier en était un d’ouvriers et de petits bourgeois »; ou Pierre Vadeboncoeur : « Leur activité en était une de pur relais »; ou encore, Jean-Marc Léger : « La question n’en est pas une de générosité ni de maturité ». On la trouve même chez des spécialistes de la langue, comme Robert Dubuc (qu’on ne saurait qualifier de laxiste) : « La situation dans ces médias en est une de bilinguisme marqué », ou Philippe Barbaud : « Une attitude éclairée qui doit en être une de réalisme et de respect ». Vous me direz que même nos linguistes ne sont pas à l’abri des fautes… Il est vrai qu’ils baignent dans le même milieu « anglifiant » que nous.


mardi 4 août 2015

La débâcle des glaces


Ces temps-ci, le site de l’Office québécois de la langue française met en vedette une capsule linguistique portant sur les glaces :

« On désigne [au Québec] les produits glacés tout autrement qu'en français d'Europe en recourant à la traduction d'une terminologie anglo-américaine qui classe les glaces parmi les produits laitiers (lait glacé, au lieu de glace au lait; yogourt glacé, au lieu de glace au yogourt; tofu glacé, au lieu de glace au tofu, etc.).»
– Office québécois de la langue française, «Glace ou crème glacée ? » (capsule)


À en croire l’Office, en France on utiliserait plutôt le terme glace au yogourt. Servons-nous de Google pour vérifier le bien-fondé de cette affirmation (langue = pages en français) :

  

France
Canada
Glace au yaourt
56 100
939
Yaourt glacé
154 000
2 350
Frozen yogurt
92 900
18 900*
Yogourt glacé 
28 000
29 100
Glace au yogourt
8 370
1 120
* beaucoup de pages bilingues



À moins d’être givré, on voit bien que le terme le plus utilisé en France est yaourt glacé et non glace au yogourt. Et, d’ailleurs, le Québécois moyen qui n’est pas terminologue sait bien qu’en France on dit yaourt plutôt que yogourt : il est quand même curieux que l’Office prétende qu’en France on dit yogourt plutôt que yaourt. Même si le mot yogourt est loin d’y être inconnu comme on a pu le constater par le lapsus de l’ancien ministre Bernard Kouchner qui a appelé les Ouïghours des Yogourts…


lundi 27 juillet 2015

Le québécois standard illustré par l’exemple / 13


Écrire en anglais avec des mots français


Tania Longpré, enseignante en francisation des immigrants et blogueuse au Journal de Montréal, est une des critiques les plus vocales du Forum de Liège — elle faisait partie des 150 participants logés dans des locaux insalubres et qui ont dû être relogés.
— Jean-Benoît Nadeau, « Liège bouchonne la Francophonie », Le Devoir, 27 août 2015.


Une critique vocale ? Ce n’est pas à Liège qu’elle devait aller mais au concours Reine-Élisabeth de Belgique tenu quelques semaines plus tôt à Bruxelles ! À moins que le journaliste n’ait voulu dire que Mme Longpré a été une critique qui s’est bien fait entendre, une critique particulièrement bruyante ou dérangeante. L’adjectif vocal n’a pas (encore) ce sens en français.


mercredi 15 juillet 2015

Pénélope terminologue



Le 27 avril dernier, je notais dans ce blog que l’Office québécois de la langue française avait rétrogradé le mot soda qui n’apparaît plus en vedette dans ses fiches au profit de boisson gazeuse. Je donnais deux fiches en exemple, l’une de 2001 (soda au gingembre), l’autre de 2014 (boisson gazeuse au gingembre(cliquer sur les fiches pour les agrandir) :








La situation est d’autant plus curieuse que la compagnie Canada Dry vient de lancer une campagne de publicité où elle utilise le terme soda gingembre (plutôt que boisson gazeuse au gingembre, premier terme maintenant donné dans le Grand Dictionnaire terminologique) :



Je me demande encore quelle nécessité il y avait de perdre du temps à changer des dizaines de fiches pour y mettre en premier lieu boisson gazeuse plutôt que soda. D’autant plus que l’Office admet, dans ses fiches, que c’est le terme soda qui est « surtout employé dans la langue du commerce, en particulier dans l’étiquetage ». L’Office, conformément à son mandat, devrait s’occuper en priorité de la francisation de la langue du commerce et des affaires : alors, pourquoi ne pas mettre en tête de ses fiches le mot soda ?


La volte-face de l’Office, qui donne aujourd’hui priorité au terme boisson gazeuse, peut paraître paradoxale quand on lit dans la liste des sources, à la fin de l’article soda du Trésor de la langue française de Nancy, cette référence aux travaux de l’ancienne Commission de terminologie de l’Office de la langue française :

DUBUC (R.). Décisions de la Commission de terminol. de l'OLF. Meta. 1979, t. 24, no 3, pp. 414-415; n o 4, p. 493.


Comme je l’écrivais le 27 avril : à l’heure où l’Office ne parvient pas à faire du français la langue de travail sur le chantier du mégahôpital francophone de Montréal, on peut se demander s’il ne serait pas plus judicieux de réaffecter des ressources humaines à la francisation des entreprises plutôt que d’encourager des terminologues à continuer de jouer les Pénélope qui défont aujourd’hui ce qui a été fait hier.


mardi 7 juillet 2015

Lucullus, à l’aide !


Pour les épicuriens, mais surtout les épicurieux, ce resto festif offre une foule de concepts amusants pour vous divertir un brin et participer à l’élaboration de votre assiette de rêve.
Véronique Harvey, « Un brunch en cadeau », Journal de Montréal, 18 juin 2015


J’ai entendu plusieurs fois hier à la radio (Ici Radio-Canada Première) le mot épicurieux. Dans le contexte, il était clairement l’équivalent du mot anglais foodie. Je me rappelais avoir déjà vu une fiche « foodie » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) et je suis donc retourné vérifier si la magnifique trouvaille qu’est le mot épicurieux y figurait. Eh bien, non. On propose plutôt d’employer cuisinomane, ce qui dénote une méconnaissance inadmissible de l’étymologie et montre que l’on devrait exiger des terminologues qu’ils connussent des éléments de langues anciennes puisque le latin et le grec sont à la base d’un grand nombre de termes techniques non seulement en français mais dans la plupart des langues européennes.


Comme nous l’indique le Trésor de la langue française informatisé (TLFi), ‑mane est un « Élém. tiré du gr. μανης, tiré lui-même de μανία ‘ folie ’, toujours vivant, entrant dans la constr. de subst. pouvant avoir des emplois adj. et désignant des pers. atteintes d'une habitude morbide, d'une passion indiquée par le 1er élém.; la plupart de ces mots appartiennent au vocab. de la psychol., de la psychopathol. ». Le TLFi est clair : ce suffixe sert à former des mots appartenant au vocabulaire de la psychologie, en particulier de la psychopathologie* (cleptomane, mythomane, nymphomane, pyromane, toxicomane, etc.). L’utilisation de ce suffixe pour désigner des domaines d’activité ou d’intérêt est beaucoup plus rare (le seul mot courant semblant être mélomane). Il n’est pas venu à l’esprit du terminologue que le mot ‑phile aurait mieux fait l’affaire dans ce cas. D’ailleurs, le bon peuple qui lit le Journal de Montréal ne s’y est pas trompé, lui, et a vu en cuisinomane un terme négatif : il suffit de lire les commentaires qui suivent l’article de Mikael Lebleu, « Fini les foodies, il faut maintenant dire les cuisinomanes », Journal de Montréal, 8 mai 2015 (cliquer sur le titre pour accéder au texte et aux commentaires). Comme je n’ai eu accès à ce texte que via la version « en cache » de Google (n’étant pas abonné au JdeM) et que je soupçonne que plusieurs lecteurs auront à faire face à la même difficulté, je retranscris les commentaires (y compris une obscénité en italien) :

Dans la catégorie: on gaspille nos taxes. L'OQLF frappe encore. Cuisinomane et non pas foodie. Ma andate a fa 'ngulo! pic.twitter.com/XMvD20ZH2D
— Steve Galluccio (@stevegalluccio) 7 Mai 2015
«Cuisinomane», ça donne l'impression qu'une cuisine va être assassinée. (Tweet Précédent)
— ...ton assiette? (@VasTuFinir) 7 Mai 2015
@FabiennePapin @OQLF DSM? Comme dans «un dangereux cuisinomane» ? Très drôle !
— Ariane Krol (@ArianeKrol) 6 Mai 2015
@OlivRomano #cuisinomane ou l'art de foutre ta cuisine en feu!?
— Dan Roy (@djroy65) 7 Mai 2015



Je ne sais pas à qui l’on doit le mot épicurieux, mais j’avoue que la trouvaille est ingénieuse. Malheureusement, l’Office ne l’a pas introduite dans sa fiche « foodie ».


Le GDT a la note suivante : « La désignation foodie […] est un emprunt intégral à l’anglais qui ne s’intègre pas au système linguistique français ». Affirmation péremptoire et dénuée de tout fondement. Faisons un peu de linguistique, et en particulier de phonologie, puisque cela ne semble pas une activité fréquente à l’Office. Foodie et toupie constituent une paire où ne varient que deux phonèmes tout à fait français. Le mot foodie s’intègre donc très bien au système phonologique du français. Du point de vue morphologique, il se termine par –ie, comme les mots roupie, toupie, folie, chipie, etc.
________
* J'avais d'abord écrit psychopédagogie. Ce lapsus digiti est très révélateur...



jeudi 18 juin 2015

Quinze ans plus tard


[…] un jugement de la Cour supérieure de 2014, confirmé par la Cour d’appel ce printemps, […] avait conclu que l’Office québécois de la langue française (OQLF) n’avait pas le pouvoir, en vertu de la Charte, d’imposer l’affichage de descriptifs en français à des détaillants dont la marque de commerce est seulement en anglais.
[…]
« Nous croyons qu’il est possible d’assurer la visibilité du français sans altérer la marque d’origine », a fait valoir Hélène David dans un point de presse. La ministre a rappelé que les marques de commerce sont de compétence fédérale et bénéficient d’une protection en vertu du droit international et des traités de libre-échange.
[…]
Comme c’était le cas auparavant, il ne s’agit pas de traduire la marque de commerce, a rappelé Hélène David. « Il s’agit plutôt de l’ajout d’inscriptions ou de mentions en français qui peut prendre la forme d’une description de produits ou de services, d’un slogan ou, si préféré [sic], de l’ajout d’un générique ou autre sans altérer la marque de commerce d’origine. »
– Robert Dutrisac, « Marques de commerces – Québec officialise les modifications », Le Devoir, 18 juin2015


Un jugement de la Cour supérieure de 2014 […] avait conclu que l’Office québécois de la langue française (OQLF) n’avait pas le pouvoir, en vertu de la Charte, d’imposer l’affichage de descriptifs en français : dans son Avis sur l’affichage du nom d’entreprise publié en 2000, le Conseil de la langue française avait déjà dit que l’Office ne pouvait imposer des descriptifs en français. L’Office s’est pourtant lancé dans une bataille judiciaire que les observateurs sérieux savaient perdue d’avance.


Aujourd’hui, la ministre Hélène David donne l’impression qu’elle veut « forcer les entreprises à ajouter à leur marque de commerce en anglais un vocable en français », comme l’écrit Robert Dutrisac. Ne soyons pas dupes de cette manœuvre politicienne et relisons l’avis du Conseil qui décrit les limites juridiques d’une intervention sur les marques de commerce. Car, quinze ans plus tard, le gouvernement semble en voie de se rendre à l’évidence  :


Le Conseil s'est penché sur l'introduction de diverses mesures pour que la prolifération de l'affichage des marques de commerce ne porte pas atteinte à la visibilité du français au Québec.
Il a étudié sérieusement la possibilité d'imposer l'ajout d'un terme générique en français, lorsque la marque de commerce est rédigée dans une autre langue. En effet, la réglementation actuelle sur l'affichage ne prévoit pas d'obligation en ce sens. Lorsqu'il n'existe pas de version française, une entreprise a le droit d'afficher une marque de commerce rédigée uniquement dans une autre langue. Selon l'hypothèse étudiée par le Conseil, un établissement serait tenu d'ajouter un terme comme « magasin », « entreprise », « boulangerie », « quincaillerie », etc., devant une marque de commerce libellée en langue étrangère, lorsque cette marque de commerce sert à identifier un établissement commercial.
Cette hypothèse soulève bon nombre de difficultés. Une marque de commerce forme un tout, protégé par des lois et des accords internationaux; son utilisation s'inscrit souvent dans une stratégie de mise en marché d'un produit ou d'un service, stratégie internationale, voire mondiale. Tout ajout dans son affichage pourrait porter atteinte à son intégrité et aux objectifs de visibilité commerciale de l'entreprise qui en possède les droits exclusifs. De plus, pour de nombreuses marques de commerce, le choix d'un générique ne s'impose pas d'emblée et pourrait rendre la situation encore plus confuse aux yeux des consommateurs. Enfin, il a paru évident qu'il n'était pas possible de trouver une solution unique pour couvrir une multitude de cas particuliers.
Pour ces raisons, le Conseil n'a pas retenu l'hypothèse mentionnée précédemment. […]
Dans cette perspective, le Conseil estime souhaitable d'envisager certaines mesures incitatives visant à ajouter du français lorsque l'affichage d'une marque de commerce sert à identifier un établissement :
§  ce pourrait être, bien sûr, l'ajout d'un terme générique;
§  ce pourrait être un libellé descriptif de l'activité de l'établissement;
§  ce pourrait être un message publicitaire;
§  ce pourrait être la traduction ou, mieux encore, une version adaptée en français de la marque de commerce.
Dans les faits, comme on l'a vu, bon nombre d'établissements retiennent déjà l'une ou l'autre de ces mesures dans leur affichage. Il suffirait alors d'encourager l'élargissement de ces pratiques en laissant au propriétaire de l'établissement la liberté de retenir celle qu'il juge la plus appropriée à ses activités, à sa clientèle, à la marque de commerce et, le cas échéant, aux exigences contractuelles du « franchiseur ». L'analyse du Conseil l'amène à proposer que l'Office de la langue française élargisse son rôle de service et de soutien pour inciter les commerçants à accorder plus de place au français dans les noms qu'ils affichent, et pour leur apporter son aide et son soutien technique.
En outre, pour que les commerçants puissent bénéficier, en cas de besoin, d'un soutien à un affichage en français de bonne qualité, l'Office de la langue française pourrait promouvoir davantage son service spécialisé d'aide linguistique.
Le Conseil juge également qu'une intervention plus approfondie devrait être faite auprès des représentants des entreprises étrangères qui songent à s'établir au Québec, afin de les convaincre de traduire ou d'adapter leur marque en français ou, encore, de la faire accompagner d'un slogan ou d'un descriptif en français, et ce, en leur faisant valoir l'avantage, sur le plan économique, de tenir compte du fait que la majorité de leur clientèle québécoise est francophone. D'ailleurs, certains franchiseurs étrangers ont retenu comme valable une telle pratique, en adoptant une version française ou adaptée de leur nom pour leurs franchisés québécois; par exemple, « Poulet frit Kentucky », « Chalet Suisse », « Centre japonais de la photo », « Bureau en gros », « L'équipeur », « Un dollar ou deux », etc. Les démarches de l'Office de la langue française, en collaboration avec les associations de franchisés québécois, pourraient favoriser la multiplication de cette pratique.


   
En bout de course, on finira par proposer, une fois de plus, des mesures incitatives, ce qui n’exclut évidemment pas le recours à des… incitatifs financiers. Fallait-il attendre quinze ans pour aboutir à ce résultat ?