Ce n’est pas la première fois qu’une
lecture trop rapide me fait louper une énormité dans une fiche du Grand
dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française
(OQLF). Cette fois-ci, j’avais lu sans faire de vérification la note suivante
de la fiche « réveil (réveille-matin) » dont j’ai parlé dans le
billet précédent :
Le terme cadran, parfois employé par métonymie au
Québec pour désigner le concept de « réveil », est déconseillé en ce
sens.
La métonymie n’a rien à voir dans toute
cette histoire. La première définition de cadran que donne le Trésor de la langue
française informatisé (TLFi) est la suivante :
Surface plane carrée
disposée verticalement ou horizontalement sur laquelle sont gravés ou peints
les chiffres des heures sur lesquels le soleil (ou la lune) projette l'ombre
d'un style
Et le TLFi cite l’exemple suivant :
Quand vers 1600
apparurent les premières « montres », il s'agissait dans la plupart
des cas, de petits cadrans solaires portatifs.
E. VON BASSERMANN-JORDAN, Montres, horloges et pendules, 1964, p. 102.
E. VON BASSERMANN-JORDAN, Montres, horloges et pendules, 1964, p. 102.
Vers 1600, les montres n’étaient donc que
de petits cadrans solaires. Dans la 8e édition du dictionnaire
de l’Académie on lit : « [cadran] signifie absolument Cadran solaire. Allez voir au cadran l'heure qu'il est. » Et dans la 4e édition
on trouve l’exemple suivant : « Regarder au cadran quelle heure il
est ».
Dans le lexique québécois mis en ligne par Denis Cousineau, on lit : « Toutes les horloges sont des
cadrans ». Et, en effet, le mot cadran ne désigne pas au Québec que des
réveils, à preuve quelques exemples tirés du Trésor de la langue française au
Québec : « lorsque minuit sonna au cadran de l’Église Molson »
(1898), « soudain quatre coups vibrent au cadran de la grande salle
voisine » (1912), etc.
L’emploi de cadran au
Québec au sens de « réveille-matin » ou d’« horloge » ne
relève pas d’une métonymie mais s’explique tout simplement par la conservation
du sens premier. Pas de métonymie, un simple archaïsme.
Résumé
Du point de vue synchronique,
l'explication par la métonymie que donne le GDT est tout à fait valable. Mais
si on fait l’histoire du mot, on se doit de constater que le sens québécois de cadran perpétue le premier sens de ce
mot dans les années 1600.
Il est curieux que nos endogénistes du GDT,
qui tentent de valoriser vidanges en
se basant sur l’argument que le mot apparaît dans le dictionnaire de l'Académie de
1762, n'aient pas vu qu'ils pouvaient se servir de l'argument historique pour « légitimer »
cadran.
________
*Trope : Figure par laquelle un mot prend une signification autre que son
sens propre (TLFi).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire