lundi 30 mai 2022

De la désexisation des textes à la réification des personnes

 

Un blogueur qui trouve que les vieux grincheux s’occupent trop des anglicismes a décidé pour sa part d’exploiter un nouveau filon : l’écriture qu’il appelle épicène après avoir, il y a quelque temps, montré l’absurdité de cette appellation qui ne correspond pas à la définition des dictionnaires généraux. Il est vrai que l’Office québécois de la langue française (OQLF) a récemment redéfini cet adjectif.

Notre blogueur croit avoir trouvé un cas exemplaire de rédaction épicène dans un article du Devoir paru le 16 mai. On peut y lire en effet une phrase comme : « Exaspérées par la lenteur des négociations avec Québec pour renouveler leurs conditions de travail, les directions d’école de Montréal ont entrepris des moyens de pression. » Le mot direction n’a pas ici son sens administratif mais il sert à désigner à la fois les hommes et les femmes, les directrices et les directeurs, comme il ressort de la phrase qui suit immédiatement : « Les directeurs et directrices d’école du reste du Québec sont sur le point de se joindre au mouvement de protestation ».

Le procédé confine à l’absurde quand on constate un peu plus loin qu’une direction, entité administrative, est considérée comme une personne salariée : « Plusieurs directions adjointes se retrouvent dans une situation fort particulière : leur salaire est moindre que celui de leurs enseignants qui sont au sommet de l’échelle. »

En 1990, on a réclamé une réforme de l’orthographe du français au motif qu’il fallait la simplifier, notamment à cause de prétendues contraintes informatiques (contraintes qui n’empêchent d’ailleurs pas d’avoir des traitements de textes en chinois, en japonais, en arabe, etc.). On voulait faire disparaître le plus possible nos signes diacritiques, au premier chef l’accent circonflexe. On assiste maintenant à l’apparition en français du point médian (il existait déjà en catalan pour distinguer la prononciation de ll de celle de l∙l).  Loin d’alléger et de simplifier les textes, on les complexifie et on rend leur lecture plus ardue. C’est pourquoi j’ai signé la pétition de Marianne « Écriture inclusive : une aberration pour la linguistique ».

 

Image tirée du générique de la télésérie catalane Merlí

Sur cette question, lire aussi le billet « L’écriture inclusive, ‘socialement excluante’ »

 

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