À
quelques reprises ces derniers jours j’ai entendu à la radio le mot snowbird. De quoi s’agit-il ? Pour le dictionnaire Webster, snowbird désigne « someone who spends the winter months in a warm place ». Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de
l’Office québécois de la langue française (OQLF) propose comme équivalent hivernant, « personne qui, l'hiver,
quitte son lieu d'habitation pour séjourner dans un pays ou une région au
climat plus doux ».
Une capsule du 14 janvier 2010 de l’OQLF précise :
« En
français, quelques dénominations ont été proposées pour éviter cet anglicisme :
l'équivalent le plus simple, à défaut d'être aussi coloré que snowbird,
est le terme hivernant, substantif qui est d'ailleurs usité en français
européen pour désigner des touristes qui migrent aussi pendant la saison froide
dans des endroits au climat plus doux. Par exemple, on parle d'hivernants
sur la Côte d'Azur. »
Substantif […] usité en français
européen… Or, il semble bien que ce sens donné à hivernant, loin d’être usité*, soit vieilli dans ce que nos
endogénistes appellent le français de référence (le français des dictionnaires
publiés en France). On trouve le mot dans des écrits qui parlent des
Britanniques et des Russes qui, au xixe
siècle, allaient passer l’hiver sur la Côte d’Azur. On parlait d’ailleurs à l’époque
de stations hivernales : « Tout le long de
cette avenue [de Saint-Raphaël à Saint-Tropez] (...) on essaye
de créer des stations hivernales » (Maupassant, Sur l’eau, 1888, cité dans le Trésor de la langue française
informatisé). Aujourd’hui, le mot hivernant
s’emploie toujours mais généralement dans un autre sens.
Ainsi le Larousse
donne cette définition : « personne qui séjourne quelque part pendant
ses vacances d’hiver, en particulier dans une station de sports d’hiver ».
Pour le Larousse, l’hivernant court plutôt après le froid, pour le GDT il le fuit.
Le GDT, si prompt à
nous servir des tartines historico-lexicographiques, ne mentionne pas le sens
que le mot hivernant avait anciennement
en français québécois. Avec raison évidemment dans ce cas-ci car on ne voit pas
ce que pareils renseignements viendraient faire dans un dictionnaire
terminologique (et pourtant l’OQLF s’obstine à citer l’édition de 1762 du Dictionnaire de l’Académie française
dans sa fiche « déchets ménagers » dans une tentative pour réhabiliter
l’usage du mot vidanges depuis
longtemps en régression dans les communications des municipalités du Québec).
Anciennement au
Québec, l’hivernant** (venu en Nouvelle-France pour une année) se distinguait
de l’habitant (venu s’établir à demeure). Voici ce qu’on trouve dans le
Dictionnaire canadien-français de Sylva Clapin (1894) :
Le mot s’est répandu
jusque dans l’Ouest du continent, ainsi que l’atteste le Glossary of Mississipi Valley French 1673-1850 de John Francis
McDermott (1941) :
* * *
Pour
le GDT, snowbird est un « emprunt
intégral » qui est « difficilement intégrable au système du français ».
Toujours la même formule passe-partout pour rejeter un emprunt. Le mot est déjà
intégré phonétiquement, on le prononce « snôbeurde ». Il est aussi
intégré morphologiquement : au pluriel, on n’entend jamais « snôbeurdze ».
Que voulez-vous de plus ? Un petit chausson avec ça ?
________
* Usité : « Qui est en usage, couramment
employé. Synon. courant, usuel »
(Trésor de la langue française informatisé).
** Sur le mot hivernant,
voir aussi : Konrad Fillion, « Essai sur l’évolution du mot habitant
(XVIIe-XVIIIe siècles) », Revue d'histoire
de l'Amérique française, vol. 24, n° 3, 1970, p. 375-401.
Pour rendre le mot intégrable, on pourrait écrire «snobeurde»! Le mot voisinerait «snoreau» et «sno-flo» dans le dictionnaire de Léandre Bergeron.
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