Comme
j’en ai récemment fait état dans ce blog, les rectifications orthographiques de 1990 ont refait surface dans le débat public en France. L’Académie française a cru
bon de préciser sa position dans un communiqué en date du 5 février 2016. Elle
rappelle « qu’elle n’est pas à l’origine de ce qui est désigné sous le nom
de ‘ réforme de l’orthographe ’ » et que son approbation des
rectifications proposées a toujours été assortie « d’une invitation à la
mesure et à la prudence dans la mise en œuvre des mesures préconisées, mettant
en garde contre toute imposition impérative des recommandations. » Elle
note en particulier :
[…] les rectifications proposées ne consistent en aucune manière à
simplifier des graphies résultant d’une évolution étymologique ou phonétique,
mais visent à mettre fin à une anomalie, à une incohérence, ou, simplement, à
une hésitation, et ainsi à permettre l’application sans exceptions inutiles
d’une règle simple, à souligner une tendance phonétique ou graphique constatée
dans l’usage, ou encore à faciliter la création de mots nouveaux, notamment
dans les domaines scientifique et technique, et, de manière générale, à rendre
plus aisés l’apprentissage de l’orthographe et sa maîtrise.
Je
retiens le passage suivant : permettre l’application sans exceptions
inutiles d’une règle simple.
Il faudrait nuancer. Je ne suis en
effet pas le premier à constater que les rectifications de 1990 introduisent de
nouvelles exceptions : un fruit mûr, mais une pomme mure, ambigüité
mais linguistique, sûr mais surement, cachecache mais
cache-cœur.
Dès 1991, Josette Rey-Debove et Béatrice
Le Beau-Bensa émettaient le constat suivant au sujet des rectifications
orthographiques proposées l’année précédente : « On peut dire, avec
d’autres spécialistes du mot écrit (linguistes, pédagogues, correcteurs) que
les rectifications proposées […] ne sont pas toujours simplificatrices, que de
nouvelles exceptions sont venues remplacer les anciennes ; que la réforme
est trop limitée pour que l’apprentissage du français écrit en soit vraiment
amélioré1. » Marie-Éva de Villers opinait dans le même
sens : « Avec un peu de recul, force est de reconnaître aujourd’hui
que la simplicité visée par la réforme n’était pas véritablement atteinte par
les rectifications proposées, qu’elle imposait un nouvel effort d’apprentissage
à tous les locuteurs francophones sans apporter en retour une réduction
appréciable des exceptions et de nouvelles règles grammaticales davantage
empreintes de logique et d’harmonisation2. »
_______________
1Josette
Rey-Debove et Béatrice Le Beau-Bensa, La réforme de l’orthographe au
banc d’essai du Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, juillet 1991,
p. 6.
2Marie-Éva
de Villers, « La réforme de l’orthographe est-elle restée lettre
morte? », Correspondance 4/1, septembre 1998
(http://www.ccdmd.qc.ca/correspo/Corr4-1/Villers.html).
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