Les
rectifications orthographiques de 1990, jamais vraiment mises en pratique sauf
par quelques zélotes et quelques revues spécialisées de linguistique, ont refait surface ces jours derniers dans le
débat public en France. L’Académie française avait à l’époque adopté une
position digne du roi Salomon : l’orthographe ancienne « reste d’usage », les rectifications ne portant « que
sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des
incorrections ni être considérés comme des fautes ». L’Académie attendait
que le temps fasse son œuvre. Si le sujet est redevenu d’actualité, c’est que
les éditeurs français de manuels scolaires auraient (tous ?) décidé d’imposer la nouvelle orthographe à la prochaine rentrée. Ce qui apparaît comme une nouveauté ne l’est guère. Le Bulletin
officiel de l'Éducation nationale du 19 juin 2008 avait affirmé en
catimini dans une note en bas de la page 37 : « l’orthographe révisée
est la référence ».
Ce nouvel épisode fournit encore une fois l’occasion de
constater à quel point l’information véhiculée sur ce sujet, mais ce serait
probablement le cas sur tout autre sujet si on prenait la peine d’y regarder de
plus près, est souvent fausse, exagérée et, peut-être, délibérément biaisée.
Ainsi, le fait que nénuphar pourra
dorénavant (peut en fait depuis 1990) s’écrire nénufar fait dire à certains que tous les ph vont disparaître (en passant, Proust écrivait nénufar). D’autres affirment que l’accent
circonflexe disparaît, même dans un mot comme mûr, ce qui est faux (le circonflexe est maintenu partout où il permet
une différenciation de sens comme dans mûr
opposé à mur). Il y a quelques
années, j’ai même entendu à quelques reprises qu’on pouvait maintenant dire et
écrire les chevals. Cette
désinformation est accentuée par les humoristes, hier comme aujourd'hui :
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Au Québec, le ministère de l’Éducation n’a pas
vraiment imposé cette réforme mais il a donné la directive de ne pas compter pour des fautes
les mots écrits selon l’orthographe nouvelle. La plupart des endogénistes
semblent l’avoir adoptée en théorie même si je n’en connais guère qui la mettent
en pratique. Quelques personnes ajoutent à la fin de leurs courriels une phrase
du type : ce courriel a été écrit en tenant compte des rectifications orthographiques
de 1990. Peu de personnes sont en mesure de vérifier si les auteurs de ces
messages suivent vraiment les nouvelles recommandations. En tout cas, c’est une
façon astucieuse de ne pas se faire reprocher les fautes d’orthographe que
pourraient contenir leurs textes, orthographe nouvelle ou pas.
Le dictionnaire Usito, qui fait la promotion du « français
standard en usage au Québec », mentionne les rectifications pour tous les
mots où elles s’appliquent. Il est tout de même curieux que l’équipe d’Usito
puisse à la fois affirmer que les dictionnaires produits à Paris sont acculturants et accepte une réforme
orthographique lancée essentiellement par un groupe de dix linguistes parisiens.
Les Québécois n’y ont pas vraiment été associés sinon à la toute fin du
processus : ils n’ont pu que donner leur aval alors que leurs propositions
allaient beaucoup plus loin dans la voie de la réforme. Application du pragmatisme anglais : if you can’t beat them, join them.
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