Clarifions les termes que nous utiliserons dans la suite de notre analyse. Un anglicisme lexical, appelé aussi anglicisme formel, est un mot anglais employé tel quel en français (p.ex. : en informatique, chip au lieu de puce). Un anglicisme sémantique est un mot anglais que l’on traduit tel quel en français en y ajoutant un sens qu’il n’a pas dans cette dernière langue (p.ex. : to apply > appliquer, au lieu de postuler; notons en ce sens le néologisme candidater qui semble inconnu au Québec et qui, par sa brièveté, pourrait remplacer avantageusement faire application). Quand un mot anglais est décomposable et que l’on traduit directement les éléments dont il se compose ou encore quand on traduit littéralement une expression anglaise, on a affaire à un calque : fiddlehead > tête-de-violon au lieu de crosse de fougère ; fringe benefits > bénéfices marginaux, pour avantages sociaux.
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L’anglicisme qui est le plus facilement repéré – souvent d’ailleurs le seul à l’être – est l’anglicisme lexical. Or, on exagère souvent l’importance de ces emprunts. En effet, des études de statistique lexicale ont montré que la fréquence d’occurrence des anglicismes formels dans le discours est relativement faible. Selon des données qui m’ont été fournies par l’Université de Sherbrooke pour mon rapport La qualité de la langue : un projet de société (Conseil de la langue française, 1999), sur un million d’occurrences dans le corpus alors analysé, il y avait 2 861 occurrences d’anglicismes (soit 0,28 %) ; les anglicismes représentaient 699 vocables (mots différents) sur 11 327, soit 6 %. De plus, 97 % des anglicismes critiqués dans les ouvrages lexicographiques étaient absents de la Banque de données textuelles de Sherbrooke ou présentaient une fréquence très basse (75 % étaient carrément absents). Des travaux menés au Mexique vont dans le même sens ; ils ont montré que seulement huit anglicismes font partie de la liste des 5 000 mots les plus fréquents.
Or, les véritables anglicismes, ceux qui sont le plus susceptibles de miner la structure du français, ce sont les anglicismes sémantiques et les calques, comme l’avait bien vu J.-P. Tardivel dans son pamphlet L’Anglicisme, voilà l’ennemi !
(À SUIVRE)
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