jeudi 14 avril 2016

Tout ça pour ça


On apprend par Le Devoir de ce matin que le gouvernement Couillard cède aux entreprises étrangères qui n’auront pas à franciser leurs marques de commerce :


Les grandes chaînes multinationales tout comme les commerces locaux pourront continuer à afficher leur marque de commerce en anglais seulement.

Le gouvernement Couillard, qui doit publier sous peu un règlement sur l’affichage commercial, évitera de toucher aux marques de commerce anglaises. Les entreprises ne seront pas tenues d’y apposer un descriptif, ou encore un slogan, en français.
[…]
L’an dernier, la Cour d’appel du Québec avait confirmé un jugement de première instance qui statuait que la Charte de la langue française, à défaut de changements apportés à la loi 101, ne permettait pas à l’Office québécois de la langue française (OQLF) de forcer des détaillants à ajouter des descriptifs en français à leur marque anglaise. Best Buy, Costco Wholesale, Curves, Guess, Gap, Old Navy, Toys « R » Us et Walmart avaient eu gain de cause.
– Robert Dutrisac, “Le gouvernement Couillard cède devant les entreprises étrangères », Le Devoir, 14 avril 2016
  

Il était évident qu’on finirait par en arriver là. En 2011, l’Office québécois de la langue française (OQLF) avait entrepris une campagne de publicité pour faire croire que les entreprises devaient franciser leurs marques de commerce ou y ajouter un descriptif français. J’ai écrit plusieurs billets sur le sujet pour rappeler l’avis du Conseil (pas encore supérieur à ce moment) de la langue française rendu public en 2000. Une marque de commerce est protégée par des lois et surtout par des accords internationaux. Je rappelle cet extrait de l’avis du Conseil :

L'irritation que suscite l'affichage de nombreuses marques de commerce libellées en anglais ne se manifeste pas seulement dans les sociétés de culture française; elle s'est exprimée ailleurs dans le monde, comme, récemment, en Chine et en Allemagne. Cependant, il est utile de signaler que la protection juridique internationale des marques de commerce s'applique indépendamment de la langue; rappelons l'exemple du Cirque du Soleil qui peut s'afficher sous son nom français aux États-Unis et dans d'autres pays, sans que les États en cause puissent exiger la traduction de son nom d'entreprise.

Le Conseil juge difficile de remettre en question un processus juridique mondial qui a débuté il y a plus de cent ans.



Depuis 2000, on sait dans « les hauteurs de l'État » (pour parler comme l’Académie française) qu’il n’y a à peu près rien à faire pour imposer la francisation des marques de commerce si ce n’est par des incitations. À moins de convaincre d’autres pays de lancer un processus de révision des accords sur les marques de commerce, piste que proposait le Conseil et que le gouvernement ne semble même pas avoir envisagé de suivre. Comble de la manipulation politicienne, depuis 2011 le gouvernement a fait croire à la population qu’il allait contraindre les entreprises à traduire leurs marques ou à les faire accompagner d’une description en français. Encore un écran de fumée pour cacher l’inaction.


Sur ce thème, voir aussi les billets suivants :


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