Comme mes lecteurs ont pu
s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique,
devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer
sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique
du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique
(2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à
affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son
adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de
sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle
enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.
Pourtant il y a eu
quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des
Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des
idéologues endogénistes. Voici un quatrième billet rendant compte des résultats
d’une de ces enquêtes.
Les données recueillies lors
d’une enquête effectuée en 1998 (dont certains résultats ont été présentés dans
les billets précédents) ont permis de dégager un certain nombre de modèles
normatifs qui ont cours au Québec. Ces analyses ont été effectuées avec l’aide
indispensable du sociologue Pierre Bouchard. Nous avons repris les mêmes
procédures que dans notre article « La norme et l’école » (Bouchard
et Maurais, 1999). Dans cet article, nous constations l’existence de deux
relations :
1.
La relation entre l’impression de parler
français (par opposition à parler québécois) et le souhait de parler comme les
présentateurs des bulletins de nouvelles de Radio-Canada.
2.
La relation entre l’impression de parler
québécois et le souhait de parler comme les gens ordinaires que l’on voit dans
les jeux télévisés.
Une analyse des données un
peu plus poussée (à l’aide d’une analyse factorielle) nous a amené à comprendre
que la norme du français soutenu ne peut tolérer la présence des mots anglais.
En effet, le facteur obtenu montre une corrélation entre l’impression de parler
français et le souhait de parler comme les lecteurs de nouvelles de
Radio-Canada et l’opinion voulant qu’« il faudrait éliminer les mots
anglais du français d’ici ». Dans le tableau qui suit, les facteurs qui
jouent ici ont été groupés sous l’appellation de « modèle puriste ».
À l’inverse, le facteur
relatif au français québécois sera plus tolérant à la présence de
mots anglais, mais surtout il aura tendance à souhaiter s’ouvrir aux autres.
Ainsi, dans ce groupe, on partagera l’opinion que « beaucoup de mots que
nous utilisons au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones
des autres pays », que « les francophones d’ici devraient mieux
connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie » et que
« tous les francophones du monde devraient employer partout les mêmes mots ».
Dans le tableau, ces facteurs sont groupés sous l’appellation de « modèle
internationaliste. »
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A = modèle internationaliste
B = modèle puriste
Bibliographie
Bouchard, Pierre et
Jacques Maurais (1999), « La norme et l’école. L’opinion des
Québécois », Terminogramme
91-92, p. 91-116.
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